champs et maisons cachés au regard, les berges s'ensauvagent, et les heures passent au long d'une espèce d'Orénoque ou de Sénégal, gris ou bleu selon le moment...l'eau, calme en apparence, et traîtreusement violente dès qu'on y plonge un peu profond, avec cette froide et pénétrante odeur de vase et de poisson qui sort d'elle dès que le soleil descend, et qui reste pour moi l'odeur même des soirs d'enfance, en été- le frisson brusque qui court sur la peau dès que monte cette odeur assez fine, un peu avant que ne descende la première fraîcheur-, et quand on remonte la berge, après le sable encore brûlant, l'herbe sous les pieds est froide et déjà nocturne: la menue coulée de Sahara qui se tord au long de Niger s'arrête tranchée net.
Julien Gracq - Lettrines II - La Loire
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